Institute for Public Affairs of Montreal |
||
Le Coran plutôt que la Charte des droits? Élaine Audet |
||
Le Devoir/Montréal | 3 September 2004 | |
|
||
Depuis l'annonce, à l'automne 2003, de la création en Ontario de l'Institut islamique de justice civile (IIJC), tribunal d'arbitrage dont les jugements s'appuieront sur la charia, des protestations n'ont cessé de se faire entendre tant chez les femmes musulmanes que dans la population canadienne en général. Il s'agit de la mise sur pied, par quelques dignitaires islamiques de Toronto, sous la direction de Syed Mumtaz Ali, de tribunaux privés d'arbitrage qui tranchent des litiges en s'appuyant sur le Coran plutôt que sur la Charte des droits et libertés et le droit civil. En avril 2004, Homa Arjomand, une Torontoise d'origine iranienne, lançait une pétition internationale pour contester l'instauration de tribunaux islamiques au Canada. Cette pétition a recueilli plus de 3350 signatures à ce jour. Arjomand sait de quoi elle parle pour avoir vécu, en Iran, sous la règle de la charia. Selon elle, la tolérance de tribunaux parallèles religieux créerait un dangereux précédent qui inciterait les groupes islamiques à revendiquer leur instauration dans les divers pays où ils résident. Le 8 septembre, Mme Arjomand et d'autres groupes d'opposition aux tribunaux islamiques organiseront des manifestations dans plusieurs villes au Canada, en Grande-Bretagne, en Suède, en Allemagne, en France et en Finlande, ainsi que dans d'autres pays à travers le monde. Prises à la légère Dans un premier temps, les autorités politiques et judiciaires ont refusé de prendre au sérieux les inquiétudes des groupes de femmes musulmanes canadiennes qui, à juste titre, craignent que plusieurs d'entre elles, vivant dans des ghettos ethniques et ignorant souvent leurs droits, subissent des pressions pour recourir aux tribunaux islamiques et se soumettre à leurs jugements sous peine de subir l'ostracisme de leur famille et de leur communauté. Comment peut-on imaginer que des tribunaux régis par des dignitaires religieux, fondamentalistes et misogynes, puissent aboutir à autre chose qu'à défendre les intérêts de ces derniers au détriment de ceux des femmes qui comparaîtront devant eux ? Lorsque les communautés musulmanes en Angleterre ont voulu instaurer des tribunaux islamiques, on leur a donné pour réponse un refus catégorique. On se souvient que les femmes amérindiennes, il y a quelques années, avaient réclamé, à juste titre, la préséance de la Charte et de la justice canadienne sur la justice de clan pour faire prévaloir leurs droits.
Privatisation du droit Alia Hogben, présidente du Conseil canadien des femmes musulmanes, composé de 900 membres provenant de diverses allégeances islamiques, se demande pourquoi les musulmanes devraient être traitées différemment des autres femmes canadiennes alors qu'elles se sentent très bien défendues par la loi du pays où elles ont choisi de vivre. Pour qu’aucune accusation de discrimination ne puisse être portée, il faudrait éliminer tous les tribunaux d’arbitrage religieux et rappeler que les droits et les devoirs sont les mêmes pour l’ensemble des citoyens du Canada, quels que soient leur sexe ou leurs croyances. |