Institute for Public Affairs of Montreal |
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La nouvelle panoplie du terrorisme:Une analyse Jacques Isnard |
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Le Monde | 19.décembre.2002 | ||||
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Pour certains états, la question qui se pose aujourd'hui n'est plus de savoir si l'armement NRBC – la gamme des armes nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques – sera utilisé, mais plutôt quand et comment il le sera. Après les Etats-Unis, cette interrogation émane, pour le compte de l'armée française, du Commandement de la doctrine et de l'enseignement militaire supérieur (CDES). Le CDES est un organisme de réflexion qui reconnaît avoir dû modifier l'ordre de ses priorités en 2002 pour traiter ce sujet délicat – sans jouer des peurs engendrées par les attentats du 11 septembre 2001 – en s'appuyant notamment sur une évaluation des dangers menée, de son côté, par l'OTAN.
Terroristes ou non, les nouvelles menaces s'en prennent autant à la fragilité des forces armées d'un pays qu'à la vulnérabilité de sa population. La fin de la guerre froide Est-Ouest a eu pour résultat d'estomper le péril de l'apocalypse nucléaire. La dissuasion, à sa manière, a fait ses preuves. "Le danger nucléaire s'est éloigné", observe le CDES, avec l'écroulement du bloc communiste. A cela près que de nouveaux élus dans le club des puissances nucléaires – ceux qui se sont déclarés ou ceux qui tiennent à conserver une relative clandestinité – pourraient, en fin de compte, ne pas suivre les mêmes règles du jeu que leurs prédécesseurs. Au-delà de ce qui apparaîtra comme une spéculation sur le comportement éventuel de ces nouveaux détenteurs de l'arme nucléaire, il y a de quoi s'alarmer. C'est ce qu'on appelle "les risques émergents", ceux que feraient courir à la planète les pays sans foi ni loi (les fameux rogue states selon la terminologie américaine) ou des réseaux de terroristes s'ils réussissaient à confectionner une arme radiologique. A défaut de pouvoir aboutir à la géométrie compliquée d'une arme nucléaire, il suffit de savoir tirer parti de sources radioactives banales (médicales entre autres) ou de ces déchets radioactifs issus de l'électronucléaire si celui qui les manipule a appris à se préserver de leurs irradiations. On devine à l'avance les conséquences catastrophiques – en termes de désorganisation de la société et d'incapacité à dépolluer rapidement les zones touchées – d'un attentat radiologique qui aboutit à disséminer dans l'atmosphère autant de produits contaminants. L'affaire du So-San,ce bateau arraisonné dans l'océan Indien alors qu'il transportait des missiles nord-coréens à destination du Yémen, montre que, faute de renseignement adéquat, le transfert de productions dites sensibles reste un point noir du commerce international. Dans de telles circonstances, l'escale, dans un port quelconque, d'un navire anodin qui y acheminerait des matières radioactives pour le compte de terroristes est tout à fait dans le domaine du possible. Ce serait comme un défi lancé par des maîtres chanteurs à la face d'une nation qu'ils voudraient intimider sous la menace de faire exploser une bombe radiologique. Ce risque de l'attentat radiologique vient s'ajouter à celui, mieux répertorié parce qu'il est déjà apparu sur des théâtres d'opérations dans le passé, de ces toxiques chimiques et de ces substances biologiques qui visent des troupes et des populations mal protégées. DES ÉTATS-MAJORS INQUIETS Les uns comme les autres de ces produits sont largement répandus dans des industries civiles de pays développés ou non. Ils peuvent être conçus de façon artisanale par des groupes terroristes ou criminels, voire plus simplement dérobés dans des laboratoires médicaux et pharmaceutiques. La prolifération de ces agents chimiques et de ces souches biologiques est devenue une réalité qui peut entraîner des phénomènes de panique au sein d'une population, même s'il est constaté que leurs effets sur le terrain sont très difficiles à maîtriser par leur utilisateur. Dans ce contexte où la menace est en avance sur sa parade éventuelle, comme l'est l'épée face à un bouclier, l'imagination des terroristes est sans borne. C'est du moins la crainte des états-majors. Sous le vocable de ROTA (release other than attack), l'OTAN évoque les accidents NRBC induits par l'environnement industriel d'un pays que des organisations terroristes ou mafieuses exploiteraient. Dans les Balkans par exemple, les forces alliées y ont été exposées avec ces usines endommagées par la guerre civile et polluantes à cause de leurs déchets abandonnés. L'armée rouge, en se retirant de pays où elle était basée au titre du pacte de Varsovie, a laissé sur place des dépôts de munitions et de matières redoutables qui sont autant de vraies "bombes à retardement". La France n'est pas à l'abri. Des installations industrielles, chimiques ou médicales, des laboratoires pharmaceutiques ou des centres de recherche biologique ont été recensés comme étant des sources de contamination et de toxicité potentielles, à l'instar du site AZF de Toulouse dont l'explosion fit, en septembre 2001, trente morts. Ces installations se multiplient avec l'industrialisation croissante des villes et de leur périphérie. Le danger ne viendrait plus seulement de défaillances dans la sécurité, la manipulation, le stockage ou le transport de ces produits dangereux. Lesdites installations peuvent devenir la cible d'actes de malveillance ou d'agressions pour frapper les esprits et atteindre dans leur chair les populations voisines. Du temps de la guerre froide, il a fallu se préparer à l'emploi des armes dites spéciales sur le champ de bataille. Aujourd'hui, au travers d'une procédure de l'OTAN dénommée ATP 45-B, en voie de ratification, les forces nord-américaines et européennes tentent de mettre en commun leur peu de moyens de riposte en la matière pour s'adapter à un contexte qui s'est singulièrement aggravé avec l'apparition, soudaine et imprévisible, du risque NRBC terroriste. |